Alerte aux aurores boréales le 8 mars

Publié le par Sophie

Cette semaine aura été riche en évènements ! La cause de toute cette agitation ? Une tache solaire, nommée AR 1429, qui est apparue sur le bord du Soleil (à cause de la rotation de l'étoile sur elle-même) le 2 mars.

 

Cette tache solaire est énorme : elle est même visible à l'oeil nu (sous la forme d'un point). Attention, ne jamais regarder le soleil en face sans protection ! Il faut utiliser un filtre homologué (et non artisanal) : quelques secondes d'observation sans protection correcte suffisent à causer des dommages irréversibles de l'oeil.

 

Un photographe a d'ailleurs réalisé plusieurs photos, sans télescope, de cette tache solaire : il a profité d'une tempête de poussière qui lui a permis de photographier le disque solaire sans danger.

http://www.lecosmographe.com/blog/wp-content/gallery/soleil/solarsurface_davidtremblay.jpgImage du Soleil, on peut voir les taches solaires les plus importantes, dont la tache géante AR 1429.

Photo de David Tremblay, le 7 mars 2012.

 

Le 5 mars, cette région est le siège d'une éruption solaire classée X-1. Un évènement déjà assez important en soi, mais pas vraiment spectaculaire, puisque depuis quelques mois, les éruptions solaires sont redevenues fréquentes : en effet, nous sommes au début d'un cycle solaire de 11 ans, et l'activité solaire ne fait donc qu'augmenter aux cours de ces derniers mois.

 

Le 6 mars, une "petite" éruption solaire a eu lieu au niveau de cette région active, et tôt dans la journée du 7 mars, une éruption bien plus importante a eu lieu (la seconde plus grande éruption solaire de ce nouveau cycle !) : elle a été classée X5.4 (les éruptions solaires sont classées selon leur importance en cinq catégories A, B, C, M et X, qui sont chacune divisée en 10 sous-catégories).

 

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La grande "déchirure" blanche n'est pas une image de l'éruption, mais bien une saturation des capteurs du satellite SDO, qui observe le soleil dans l'ultraviolet (ici).Crédit : NASA/SDO

 

 


Voici quelques images et films de cette fameuse éruption, dans différentes longueurs d'ondes, par le satellite SDO de la NASA. La dernière image provient d'un des deux satellite STEREO, qui observent le Soleil en tandem. Sur cette photo, le soleil est caché derrière un disque noir (un coronographe), on peut donc observée la couronne solaire (c'est-à-dire la haute atmosphère du Soleil) et l'éjection de masse coronale qui a accompagné cette éruption solaire. 

 

http://sdo.gsfc.nasa.gov/gallery/gallery/assets/preview/X5flare_1700.jpg

Cette autre image de l'éruption par le satellite SDO, à 170 nm de longueur d'onde (ultraviolet extrême), permet de très bien voir la structure à "double ruban" de l'éruption solaire. Il s'agit d'une des meilleures images de ce type de phénomène...Crédit : NASA/SDO

 

 

Cette éruption a été accompagnée d'une large éjection de masse coronale ; et bien que l'éjection n'ait pas eu lieu dans la direction de la Terre, on s'attendait tout de même à en ressentir les effets, sous la forme d'une tempête magnétique, entre 24h et 48h après l'évènement (le temps que les particules éjectées atteignent notre atmosphère !).

 

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L'éjection de matière coronale du 7 mars observée par l'un des coronographe LASCO de SoHO. Crédit : NASA/SoHO

 

 

Pour en savoir plus sur le déroulement des éruptions solaires, voir l'article précédant (ici) et la page consacrée aux éruptions solaires (ici)

 

 

Qu'est-ce qui provoque une "tempête magnétique" ?

 

Lorsque l'on parle d'une "éjection de masse coronale", on parle donc d'éjection de plasma, issu de la couronne solaire. Ce plasma est composé de particules chargées : des électrons, et des ions. Ce flux de particules chargées, une fois éjecté, voyage dans l'espace... et si la Terre est sur sa trajectoire, des perturbations sont à prévoir !

 

En effet, la Terre possède son propre champ magnétique, et ce champ magnétique peut-être vu comme une sorte de bouclier. Il faut savoir qu'en dehors des éjections de masse coronale, qui libèrent une grande quantité de particules assez soudainement, il y a un flux de particules qui "s'échappe" de l'atmosphère solaire, en continu ! Il s'agit de ce que l'on appelle le "vent solaire".

La magnétosphère est une haute couche de l'atmosphère terrestre, délimitée par l'ionosphère (une couche de plasma, où les particules sont ionisées et donc chargées), et la magnétopause : le "lieu" où l'on a un équilibre entre la pression due au champ magnétique terrestre et la pression dynamique du vent solaire.

 

Mais lorsque la magnétosphère subit des changements importants et soudains, on fait face à une "tempête magnétique". Cela arrive notamment lorsque les particules d'une éjection coronale solaire arrivent dans l'environnement terrestre : comme la densité de particules du vent solaire est alors beaucoup plus élevée, la magnétosphère est perturbée...

 

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/1a/Structure_de_la_magn%C3%A9tosph%C3%A8re.svg/669px-Structure_de_la_magn%C3%A9tosph%C3%A8re.svg.png

Structure de la magnétosphère terrestre (image tirée de Wikipédia). La magnétogaine est une zone de turbulence entre l'onde de choc et la magnétopause. Du côté jour, les cornets polaires agissent comme des entonnoirs dans lesquels les particules électrisées du vent solaire pénètrent (et peuvent provoquer des aurores polaires diurnes).

 

En effet, le flux de particules éjectées lors de l'éjection de masse coronale a son propre champ magnétique, et selon la direction de ce champ, il va plus ou moins interférer avec le champ magnétique solaire. Ainsi, il ne suffit pas qu'un faisceau de particules chargées arrivent aux environs de la Terre pour qu'il y ait une tempête magnétique : il faut également une certaine configuration du champ magnétique... Et il est très difficile de mesurer ce champ magnétique, ou de le prévoir : cela est une grande cause d'incertitude dans la prévision des tempêtes magnétiques.

 

Si le champ du flux de particules solaires est opposé au champ magnétique terrestre, la forme de la magnétosphère est dramaticalement altérée, et on a effectivement une tempête magnétique...

 

Cette tempête magnétique peut durer de quelques heures à quelques jours. Les particules chargées se répandent dans la haute atmosphère terrestre, accumulent de l'énergie et gagnent de la vitesse. Des courants sont donc créés autour des lignes de champ magnétique.

 

Les tempêtes magnétiques ne sont pas toujours dues aux éjections de masse coronale : un autre phénomène peut créer de telles tempêtes. Il s'agit de variations du vent solaire, lorsque un flux de particules rapide du vent solaire interagit avec un autre flux de vent solaire plus lent...

 

Les orages magnétiques sont étudiés en mesurant les variations de la composante horizontale du champ magnétique terrestre, par des instruments au sol. Un indice, appelé indice Kp, est associé à la variation (l'indice Kp varie de 1 à 9). Ces mesures permettent de classer les orages magnétiques en fonction de leur importance : lorsque l'indice Kp atteint 5, l'orage magnétique est classé G1 (orage mineur), alors que si l'indice Kp atteint 9, l'orage magnétique est qualifié d'extrême (G5).

 

 

Quels sont les phénomènes qui ont lieu lors d'une tempête magnétique ?

 

Tout d'abord, un joli spectacle, qui a lieu généralement aux grande latitudes : les aurores polaires (boréales pour le pôle nord, australes pour le pôle sud).

En effet, les particules chargées qui arrivent du Soleil sont "capturées" dans le champ magnétique terrestre, et perturbent la magnétosphère (le champ magnétique change de forme), mais elles perturbent également la ionosphère, couche de particules ionisées de l'atmosphère terrestre, située juste en dessous de la magnétosphère.

Les particules de l'ionosphère sont alors excitées par différents processus. Mais les particules, une fois dans leur état excité, se dé-excitent spontanément, dans un processus qui libère de l'énergie sous forme de photons (radiation). Pour certains atomes, cette radiation a une longueur d'onde dans le visible : par exemple, les atomes d'oxygènes se désexcitent en libérant des photons dont la longueur d'onde correspond à une lumière verte : c'est la couleur la plus commune des aurores polaires !

Les aurores polaires les plus communes généralement constituées de "rideaux" verts, surmontés d'un "bandeau" rouge. La couleur rouge est émise également par une désexcitation de l'oxygène, qui a été excité par un processus différent. La couleur rose que l'on voit parfois est due aux atomes d'azote...

http://www.starfiretor.com/CoreMatrix/PIX/gorgeous_green+red_aurora_appeared_over_Norway_October6,2011_Photo_Sigrid_Neilson.jpg

Sur cette photo de l'aurore du 6 octobre 2011, en Norvège, les deux couleurs (vert et rouge) sont présentes. On voit bien que l'émission verte présente des détails, des formes, alors que l'émission rouge est plus diffuse...

Photo de Sigrid Neilson.

 

Ces aurores ont lieu principalement autour des pôles puisque c'est là que le champ magnétique terrestre est le plus "concentré", et que les effets de la tempête magnétique se font donc le plus ressentir.

http://www.futura-sciences.com/images/aurore_5.jpg

L'ovale polaire : lieu où les aurores polaires ont le plus de chance de se produire. Lors de violentes tempêtes magnétiques, on peut s'attendre à en voir à de plus basses latitudes... Ce qui reste exceptionnel.

Crédit : Futura Sciences/Copyright Photos Philippe Moussette


Les aurores qui sont dues aux particules précipitées dans les cornets polaires (voir schéma de la magnétosphère plus haut) sont des aurores qui ont lieu le jour... Et donc invisibles. Cependant les astronomes les observent dans le domaine ultraviolet.

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http://www.nasa.gov/images/content/53434main_image3.jpgImages dans l'ultraviolet d'une aurore, le 20 novembre 2011, prises par le satellite IMAGE. Crédit : NASA/ UC Berkeley

 

Mais lorsqu'on lance une alerte aux tempêtes magnétiques, ce n'est pas seulement pour avertir des jolis spectacles que sont les éruptions solaires ! Il y a plusieurs phénomènes plus négatifs qui peuvent se produire.

 

Tout d'abord, ces particules chargées et accélérées sont dangereuses pour les astronautes se trouvant en orbite, dans la station spatiale internationale par exemple. Lors de l'arrivée de ce flux de particules, il vont devoir se placer dans l'endroit le plus protégé de la station...

Ces particules peuvent également endommager les capteurs et panneaux solaires des satellites en orbites.

 

Les nuages de particules ionisées "reflètent" les ondes radio, ainsi les communications provenant des satellites sont perturbées. Le suivi des satellites peut donc être entravé. Les émission radio haute fréquences et les systèmes de navigation peuvent ne pas fonctionner normalement : dans ce cas, les vols passant près des pôles ne peuvent pas utiliser leur GPS (ils sont généralement annulés!)

Par exemple, hier (le 8 mars), le capteur du dispositif de suivi des étoiles de la sonde Venus Express a été aveuglé par le flux de particules et à donc cessé momentanément de fonctionner. C'est un appareil classique qui permet de piloter la sonde... Les ingénieurs l'ont mis hors-service, et l'altitude de la sonde a été maintenue par les gyroscopes.

 

De plus, les courants créés peuvent également provoquer des perturbations du réseau électrique directement sur Terre ! Ce sont généralement les transformateurs qui sont endommagés. Cela est déjà arrivé, dans des proportions assez extraordinaires, dans le nord de l'Amérique : en 1965, la panne avait toucher 30 000 000 personnes sur 200 000 km² ; en 1989, une panne similaire avait plongé 6 000 000 personnes dans le noir au Québec.

Il y a d'ailleurs une bonne raison pour que cela arrive dans cette zone et pas ailleurs ! C'est parce que le pôle magnétique est situé plus "près" du continent nord-américain que de l'Europe. On peut voir cela sur une carte des latitudes magnétiques (latitudes autour du pôle magnétique) :

http://www.nwra.com/ionoscint/maps/maplats.gif

Latitudes géomagnétiques (image tirée du site web NorthWest Research Associates). L'Amérique du Nord est située à de plus hautes latitudes géomagnétiques, et est donc plus affectée par les orages magnétiques.

 

Pour toutes ces raisons, l'activité solaire est très surveillée : c'est le domaine de la météo de l'espace. Il est déjà difficile de prévoir le temps qu'il fera, on peut donc comprendre sans problème qu'il est très difficile de prévoir un orage magnétique avec certitude.Cependant, il est très important d'alerter les entreprises et centres qui gèrent les satellites, les astronautes, les aviateurs...

Cette météo de l'espace peut être suivie en général sur le site web Space Weather.

Une visualisation des aurores en temps réel est disponible sur ce site

Pour les pages en français, un article sur la prévision des aurores boréales, et normalement des images en temps quasi-réel sont disponibles sur ce site d'un club amateur

(images basées sur ce site de NOAA)

 

Finalement, l'orage magnétique attendu pour cette fin de semaine n'a pas vraiment été exceptionnel : alors qu'on attendait des aurores à des latitudes plus basses, elles ont eu lieu aux latitudes habituelles... Mais nous avons toujours de magnifiques photos prises par les amateurs et disponibles sur le site de Space Weather. En voici quelques unes, en cliquant dessus vous serez redirigés vers les pages contenant toute la série de chaque photographe !

 

http://spaceweather.com/submissions/pics/t/Timo-Newton-Syms-P1020796b_1331225284_med.jpgPhoto prise en Finlande, le 7 mars 2012, par Timo Newton-Syms

 

http://spaceweather.com/submissions/pics/t/Timo-Veijalainen-revontulim_1__1331213571.jpgPhoto prise en Finlande le 7 mars 2012 par Timo Veijalainen

 

http://spaceweather.com/submissions/pics/a/Aleksander-Chernucho-DSC_3462_1331205183_med.jpgPhoto prise en Russie le 7 mars 2012, par Aleksander Chernucho

 

http://spaceweather.com/submissions/pics/p/Pavel-Kantsurov-2012-03-07-002_1331206319_med.jpgPhoto prise en Russie le 7 mars 2012 par Pavel Kantsurov

 

http://www.cidehom.com/im_articles/772.jpgPhoto prise le 8 mars 2012, à Faskrudsf en Islande, par Jónína Óskarsdóttir

 


Sources

 

Giant sunspot seen through dusty skies, by Jason Major, le 8 mars 2012, site web universe today

Big (X5 level) Flare, sur le site de la NASA consacré au satellite SDO

La tempête solaire aveugle la sonde spatiale Venus Express, article Futura Sciences du 9 mars 2012 par Jean-Luc Goudet

Storms on the Sun, site de la NASA, Karen C. Fox

 

M. Galand, professeur à l'Imperial College London

 

Photos d'aurores du 7 mars 2012 : Timo Newton-Syms, Timo Veijalainen, Aleksander Chernucho, Pavel Kantsurov, Jónína Óskarsdóttir

 

 


Publié dans Divers et actualités

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J
<br /> Bonjour, c'est pour ca que le mois dernier, j'ai eu temps de mal à revenir sur Terre ! les instruments ne fonctionnaient plus, j'ai du piloter à vue ... Il y avait des parasites magnétiques<br /> de partout ... c'était difficile de garder le cap, j'ai du me guider à l'ancienne, en regardant les étoiles... <br />
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